Le Roc qui brize le Tonnerre

À tes pieds, heureux Annessy !
Couche un lac, dont le doux murmure
Flattoit autrefois le soucy
Que m’a donné cette peinture,
Pendant que deux cœurs à Tres-Un
De deux hommes n’en faisoient qu’un :
Dans ton séjour, illustre terre !
Paroit inaccessible à l’œil
Et s’élève jusqu’au soleil
Le Roc qui brize le Tonnerre…

Tournette endure que mes yeux
Percent à travers de la nüe,
Ou que tes Mons impérieux
Abaissent leur tête chenüe,
Pour voir les vens les plus divers
Te faire le jeu des Hyvers ;
Dans ce jeu la plus rude guerre
N’a jamais vu les aquilons
Précipiter dans les valons
Le Roc qui brize le Tonnerre.

Le feu qui te veut dévorer,
Dans les tumultes de l’automne,
N’embraze que pour préparer
Les matières de ta couronne ;
Ta tête brillante d’éclairs
Commande l’empire des airs ;
À tes pieds un riche parterre
De fleurs, de vignes et de fruits,
Couvre d’un verdoyant tapis
Le Roc qui brize le Tonnerre.

La nuit, la nege et les frimats
Quittent tes foudroyantes Cimes ;
Les monts-d’eau se jettent à bas
Pour se perdre dans les abymes ;
Les hyvers, tout épouvantez,
Se retirent de tous côtez,
Ton juste dépit les reserre
Et force les tristes glaçons
D’étaler, aux douces saisons,
Le Roc qui brize le Tonnerre.

Sieur Nicolas De Hauteville, in Vie de Saint-François de Sales, 1657.


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