[…] me dépouillant rapidement de mes vêtements que Jules Philippe suspendit au bout de son fusil, j’entrai dans une eau tiède et calme, où je me mis à faire mille tours de force aux yeux de mes camarades.
Rassurés par ces brillantes évolutions nautiques, mes amis enfilèrent la route d’Albigny, en me souhaitant bonne chance.

Suspendu sans fatigue sur l’eau tiède et caressante, bercé voluptueusement entre le ciel et la terre, je me rappelai Byron au milieu des vagues d’Abidos, et comme le grand poète, je voulus jouir de ma voluptueuse situation. L’air était doux et immobile, le ciel admirablement pur ; d’innombrables étoiles, d’un jaune vif, se détachaient d’une voûte d’azur foncé : j’étais heureux.
Je ne crois pas qu’il y ait au monde un spectacle plus magnifique. Autour de vous nulle limite : — vous étendez les bras, point d’entrave ; vous avancez ou vous reculez, rien qui vous avertisse que vous mesurez l’espace ; vous vivez d’une autre vie, vous avez agrandi votre monde, vous avez conquis un élément ! Au dessus de vous l’abîme ; — au dessous l’abîme. — Levez les yeux, c’est le ciel ; — restez immobile, c’est la tombe. […]

Aimé Ferraris , extrait d’un article de La Mouche, journal des dames, n°3 du dimanche 12 novembre 1848 à Chambéry.


Clefs : nage | traversée du lac | presse ancienne | Lord Byron | Gustave Roche