LE CHŒUR DES MONTAGNES

Talloires, 1928

Le lac lui, poli par l’été
Ainsi que par un lapidaire,
Mais d’un éclat sans dureté,
Ciel enfin fleuri sur la terre :

D’un bleu qu’on voudrait caresser
Comme une rose épanouie
Où délicatement s’appuie
Notre bouche pour un baiser ;

D’un bleu qui flambe et s’atténue
Et fait scintiller sa langueur :
Au lieu d’y tremper sa chair nue,
On rêve d’y plonger son cœur ;

Du bleu par de la poésie,
L’essence divine du jour,
Et du bleu profond de l’Amour
Quand l’âme monte et s’extasie !

Femmes autour d’un seul miroir
Nouant leurs belles attitudes,
Les montagnes savent y voir
Le secret des béatitudes.

Pas très hautes. Non. Mais pourtant
Reines de souplesse et de grâce :
Sans un voile qui l’embarrasse ;
Pointe un sein qu’on croit palpitant.

Contre la hanche paresseuse,
L’épaule attarde sa rondeur ;
En une robe de danseuse,
Le torse cambre une blondeur.

Et, tandis que se couche l’onde
Comme un hommage à leurs genoux
Leur chœur donne, infaillible et doux,
La leçon d’harmonie au monde.

Marie-Louise Vignon, in Ciels clairs de France, 2e série, Albert Messein, Paris, 1933


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