ANNECY
(Quatrains)

À ma venue, les érables
Arboraient l’or des musées.
Non, poète, oublie tes fables :
L’or des pailles pavoisait !


Annecy, tu places à la proue
De la Cité la démesure
Du mot, livre ou scène, là où
Se rue l’abrupt de la nature.


La ville croule sous les fleurs :
On admire les jardiniers…
Mais dans quel palace ils demeurent,
Vu le prix fleuri des loyers ?


Naître truite d’armoiries
Dans le granit officiel
Et privée par la mairie
Du lac bleu et de la poêle ?


Plaignez ma vie raide et dure
Sans hameçon ni cuisson,
Pauvre truite d’altitude
Paralysée du blason !


Sur l’escalier du ciné
Les couples collégiens rodent
L’art du baiser braconné
Au dernier film à la mode.


Pont des amours, j’ai attendu
Qu’une âme sœur m’y fasse signe
Mais je crois, elle était perdue
Noyée là-bas vers l’île aux cygnes.


Demain, la neige. Le Paquier
Inclinera ses promeneurs
En regret de ne plus skier
À méditer sur le bonheur.


Le vin de mondeuse fut-il
Le tout premier à infuser
Ses tanins rouges dans l’argile
De cette amphore du musée ?


L’eau chuinte autour de la prison.
J’entends un souffle. Est-ce Verlaine
Qui soupire la cantilène
De son amour en déraison ?


Les falaises imaginaires
Où la vie plus vraie s’établit,
Rue de la Poste une libraire
En tient sa boutique remplie.


Flâner, amis, dans Sainte-Claire,
Y faire emplette d’interdits
Qui raviront tant vos molaires :
Fromages, jambons, génépis…


Courtoisie des automobiles,
Gourmandises de la Savoie,
Sourire au piéton dans la ville
D’un bonheur qui laisse sans voix…

Robert Vigneau
Poèmes communiqués à Guillaume Riou dans un petit carnet imprimé intitulé Annecy, Ed. La timbale à mirlitons, automne 2010.


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