La Savoye est un poème publié à Annecy en 1572 par le poète et mathématicien Jacques Peletier du Mans (1517-1582). Ami, entre autres, des poètes Louise Labé, Pierre de Ronsard, Joachim Du Bellay et Maurice Scève, il passe les dernières années de sa vie à voyager. Un de ses périples le mène en Savoie.
Parmi les différents paysages décrits par ce poète, on retrouve Annecy et ses environs.
Je n’ai pas reproduit ici les 2200 vers du poème, mais vous avez tout le loisir de les lire (et télécharger) en accédant à l’ouvrage complet numérisé sur le site des Bibliothèques Virtuelles Humanistes.
LA SAVOYE
…
Devers le Lac dit d’Anecy me guide,
Pour dire ancor’ une Eau avec son lut,
Qui souvent porte au malades salut.
Une Roche est au Midi opposee,
Pres de ce Lac, dessus Veiri*, posee :
Qui a deus crotz l’un sur l’autre, voútez,
Tous deus ouvers, dedans mal rabotez :
Et du dessouz l’entree est rude & basse,
Où un à un, en se courbant on passe.
Le jour pourtant, qui entre es deus manoirs,
Fait qu’ilz ne sont ni sombres, ni trop noirs.
Au haut de nuit, les Bisetz se vont rendre,
Pour se jucher: où ilz les vont surprendre
Avec le feu, & là sont arrestez
Dedans les retz à l’issue apprestez.
Par le dehors, on monte en cete voúte,
Dont le gravir une grand’ peine coúte,
Haut, ápre & droit, si bien le sait comter
Cil qui a eu la peine d’i monter :
Où peu à peu jusqu’au haut on eschape,
Par les rinceaus souples, où lon[sic] l’on s’arrape.
En cete voúte, est un creus ecarté,
Où se conduire on ne peut sans clairté :
Là est cete Eau, qui bien semble avoir source,
Mais retenue en sa cuve sans course :
Où elle croist & decroist par les fois,
Ainsi que fait la Lune tous les mois.
Les païsans, qui bien souvent en boivent,
Du mal des flancs alleg’ance en reçoivent.
Cete Eau est claire, & pesante pourtant,
Et la senteur de la terre portant,
Terre en moiteur par elle meintenue,
Grasse, ardrilleuse, & de couleur charnue :
Qui tient beaucoup du lut Armenien,
Et de celuy que l’on dit Lemnien.
Ceus du Vilage, entre autres maladies,
En font breuvage aus bestes refroidies.
Si leurs Beuz ont au flanc quelque os rompu,
Ou deloyé, apres qu’ilz en ont bu
Par quelques fois, la fracture se serre :
Et qui plus est, se trouve cete terre
Aus Beuz occis (si vrei en est le bruit)
Lice autour de l’os qu’ell’ a reduit.
…
Jacques Peletier du Mans, extrait du poème La Savoye, Ed. à Annecy par Jacques Bertrand, 1572.
*Veyrier-du-lac
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