L’ÉGLISE NEUVE DE SEVRIER

C’est un temple gothique aux cintres élancés,
L’église où nous entrâmes,
Un jour qu’on entendait, sur les flots apaisés,
La cadence des rames.

Nous dîmes en voyant la pierre de Seyssel
Luire en rosaces blanches :
« Les générations viendront à cet autel
Prier Dieu les dimanches.

Et là, dans ces trois nefs, semblables à trois sœurs
Dont la grande est austère,
Méditeront parfois des hommes, des penseurs,
Sur ton néant, ô terre !

Sous cette triple voûte où le hardi sculpteur
Fait courir des nervures,
Autour des chapiteaux, aux vitraux fins du chœur,
Voleront des voix pures.

Ces monolithes noirs, marbre de Chambéry,
Ciselés en colonnes,
Donneront la paix sainte, offriront un abri
Aux plus pauvres personnes.

À la chute du jour, on sentira vraiment
Dans la tribune sombre
Passer comme un esprit fugitif et charmant
Qui vous frôle dans l’ombre.

Combien il comptera de fêtes et de deuils,
Ce palais des campagnes !
Les pieds et les genoux en useront les seuils
De granit des montagnes.

Dans sa tour dentelée. où le ciel sourira
Aux timides colombes,
Sur vous l’airain bénit chantera, pleurera,
Doux berceaux, froides tombes !

Ah! la cloche sait bien, elle qui vit longtemps
Dans sa cage de pierre,
Que les fonts baptismaux ne sont point, si distants
Des croix du cimetière ! »

Constant Berlioz, in La Savoie, Ed. A. L’Hoste, Annecy, 1880


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