VEYRIER-DU-LAC

Veyrier-du-Lac, seul nom où le lac soit mentionné ; peut-être justement parce que de tous les villages riverains, c’est celui qui le plus boude les eaux limpides…

C’est que le vin n’aime pas l’eau et Veyrier-du-Lac a quelques vignes moult avenantes. Las, las, pourquoi faut-il qu’elles s’en aillent ?

Et les petits celliers ont l’air, avec leurs toits pointus, leurs étroites fenêtres à croisillons, d’attendre vainement les joyeux vignerons, les gars aux trognes enluminées.

Mais les vignobles ne sont plus, pas même les arbres et de cela, comme il est dit dans l’Enéide, les choses elles-mêmes arrachent des larmes.

La grange du Chapitre au souvenir lointain, évoque seulement les vendanges passées. L’église veille et près du Mont-Baron, du vert Chapeau du Carabinier, dévale le vent frais du col herbeux des Contrebandiers.

Dans la montagne qui s’allonge, la grotte des Sarrasins mystérieuse, ouvre la bouche noire de son antre.

Un souffle de légende arabe passe sur la montagne et le paysan répète le proverbe oriental : « Il ne faut prêter ni son fusil, ni son cheval, ni sa femme. »

Au souvenir brumeux des Romains, Sarrasins, se mêle, plus précis, celui du vin clairet et l’on va, dans les prés bordés de murs détruits, manger des mûres dans les ronces.

Le hameau de Morat, et près de l’eau, des Guerres, égayent la grisaille et le vert lavé de leurs maisonnettes fleuries.

Veyrier-du-Lac, du vin défunt, des antiquailles, long village étendu dans les vignobles disparus, ruines et celliers tout frémissants sous le vent frileux des légendes…

Oscar David, in la revue L’Arcade n°2, Annecy, novembre 1933

Veyrier-du-Lac
Veyrier-du-Lac – Bois gravé de Marie Biennier (1880-1963)

Clefs : nostalgie | mélancolie | passé historique