Dans ce sommeil profond des choses qu’est le silence de la campagne, le clocher du village élevait tout à coup sa voix d’airain, assourdie en de lentes sonneries de siècles, chantant à l’espace sa mélopée douce et grave, la plainte longue et musicale de l’heure fugitive et retombée déjà dans le passé.

La lune, au zénith, inondait les prairies et le lac d’une clarté d’opale, dans le mystère lointain des grandes ombres découpées des montagnes. Des souffles légers de brise, qui chantaient dans les feuilles, se jouaient et couraient, ainsi que de grands coups d’ailes argentées, sur la surface miroitante des flots, et une harmonie lente s’élevait dans la nuit, comme de l’éveil cristallin des ondes, si mollement bercées en ces nocturnes et impalpables ébats de l’air tiède et parfumé.

Henri Rodet, in Amours rares, A. Charles, Paris, 1896
Extrait cité dans un article du journal Le passe-temps et le parterre réunis, du 21 juin 1896, avec cette introduction : « Vous plaît-il de connaître la science descriptive de M. Henri Rodet ? Transportez-vous, avec lui, aux premières heures du soir, sur les bords enchantés du lac d’Annecy »


Clefs : paysage | L’intrigue de la seconde partie du roman se déroule à Talloires