LA PÉPINIÈRE DÉSERTE

Aux enfants du petit Noviciat d’Annecy
rentrés dans leurs familles, janvier 1904.

La feuillée, en avril, verdit délicieuse ;
Autour du lac, enfants, partout chantent les bois :
Votre pépinière est toujours silencieuse.
Où donc ont-elles fui vos angéliques voix ?

Elles montaient, dès l’aube, avec une prière.
Et, vous les moduliez doucement, jusqu’au soir ;
Aucun ne pressentait la bise meurtrière,
Et l’orage venait sur vous, dans le ciel noir.

Enfants, vous a-t-on dit, rentrez dans vos familles ;
Et près du lac, vos chants ont tout à coup cessé.
Ainsi, le moindre cri fait taire les ramilles,
Et chasse les oiseaux en un vol dispersé.

C’est au souffle de Dieu, que tout votre cœur vibre ;
Se peut-il que si purs l’on ose vous bannir ?
N’est-il donc plus, en France, un coin bleu de ciel libre
Sous lequel vous puissiez encor vous réunir ?

Les passereaux sont là, gazouillant tous ensemble ;
En accord ont frémi d’harmonieux roseaux :
Pourquoi ne veut-on pas qu’un seul lieu vous rassemble,
Pour chanter, comme font les plantes, les oiseaux ?

La feuillée, en avril, verdit délicieuse ;
Autour du lac, enfants, partout chantent les bois :
Votre pépinière est toujours silencieuse.
Mais un Dieu juste entend vos angéliques voix.

Abbé Joseph Despois, in Fleurs et neiges de Savoie, Imp. Commerciale, Annecy, 1923


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