LES AMOURS D’ANNECY
Le lac est endormi dans sa couche tranquille,
Ayant les monts pour cadre et le ciel pour rideaux ;
Les ondulations somnolentes des eaux
Exhalent mollement des soupirs à la ville.
Méfiez-vous pourtant de ce calme trompeur !
Dans son sein gît l’abîme aussi profond qu’au cœur
D’une femme fausse et subtile.
Le site est un Éden aux séduisants atours ;
Mais le vivant éclat, le charme de la grève
Ne sont-ils pas la jeune et faible fille d’Eve,
Enfant que tout incite aux tacites amours ?
Aimer est pour son être un vif besoin de l’âge,
Un naïf et précoce essai du mariage,
Le fol orgueil de ses beaux jours,
La masculinité civile ou militaire,
Les petits et les grands, les jeunes et les vieux,
Lorsqu’en sont éveillés les instincts amoureux,
Trouvent au bord du lac les plaisirs de Cythère.
Le bourgeois, s’il ne suit, précède l’ouvrier,
Et le soldat se croit l’égal de l’officier,
Auprès d’une amante sincère.
Mais l’homme se marie ou s’éloigne soudain,
Abandonnant au sort sa maîtresse éplorée,
Par la fécondité peut être déflorée :
Épave que l’écueil pousse en pays lointain,
Ou qu’il cache et dérobe à des nouvelles chutes,
Ou qu’il laisse glisser aux prochaines culbutes,
Le cœur léger, le front d’airain.
La lanterne qu’un jour alluma Diogène
Cherche, pour dégager de son obscurité,
La pucelle, trésor de chaste intégrité,
Gardant, par la faveur d’une vertu sereine,
En dépit des larrons, à l’amour conjugal
Le mystique présent du joyau virginal
Gloire de la céleste reine.
Honneur soit à la vierge, ange au vice inclément,
Que possèdera seul un époux ou la tombe !
Blâmez si vous voulez, une fille qui tombe,
Amoureuse et fidèle, aux bras de son amant !
Mais ayez le mépris de la femelle impure,
Par la frivolité gagnée à la luxure,
Qui s’amuse du changement !
Ephise Simond, in Poésies annéciennes : les filles d’Eve, 1895, Ed. chez l’auteur.
jarosz
Très jolie poésie
sur annecy et le pont des amours