IL LAGO DI ANNECY

Non so perché il mio ricordo ti lega
al lago di Annecy
che visitai qualche anno prima della tua morte.
Ma allora non ti ricordai, ero giovane
e mi credevo padrone della mia sorte.
Perché può scattar fuori una memoria
cosi insabbiata non lo so ; tu stessa
m’hai certo seppellito e non l’hai saputo.
Ora risorgi viva e non ci sei. Potevo
chiedere allora del tuo pensionato,
vedere uscirne le fanciulle in fila,
trovare un tuo pensiero di quando eri
viva e non l’ho pensato. Ora ch’è inutile
mi basta la fotografia del lago.

Eugenio Montale, in Diario del’71 e del’72 – Poesie disperse, Ed. Arnoldo Mondadori, 1973. Poème rédigé le 6 juin 1971.

AU LAC D’ANNECY

Je ne sais pourquoi, si je te repense*,
je revois le lac d’Annecy
je l’ai visité quelques années avant ta mort.
Mais sans une pensée pour toi, j’étais jeune
alors et me croyais maître de mon sort.
Pourquoi un souvenir peut-il ainsi jaillir
du fond des sables, je l’ignore : toi-même
m’as certes enterré sans le savoir.
Maintenant tu resurgis sans être là. J’aurais pu
m’informer alors de ton pensionnat,
en voir sortir les jeunes filles en rang,
trouver une de tes pensées de ce temps
où tu vivais. Je n’y ai pas pensé. Trop tard :
une vue du lac est tout ce qui me reste.

Eugenio Montale, in Carnets de poésie 1971 et 1972 – Poème épars, Ed. Bilingue Gallimard, 1979.
Traduction de Patrice Dyerval Angelini, approuvée par l’auteur.

*Il s’agit de l’Annette (« Annetta ») du Carnet 1972. Qui est aussi « la jeune morte » du poème « La maison des douaniers » (in Les Occasions), de « Rencontre » (in Os de seiche) et d’ « Encore à Annecy » (in Carnet 1972).


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